Voitures électriques

PAC Al-air de Phinergy; l’efficacité et la puissance laissent à désirer

Battry1v4Le physicien Pierre Langlois a effectué plus de recherche sur la pile à combustible (PAC) aluminium-air de Phinergy afin d’évaluer l’efficacité du cycle de recyclage de l’aluminium ainsi que la puissance de ce prolongateur d’autonomie particulier. On y apprend que cette technologie comporte encore plusieurs limitations.
Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre Langlois ,Éco-Énergie à Montréal et Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Il a également siégé sur le comité aviseur responsable d’appuyer Daniel Breton dans le développement de la politique d’électrification des transports du Québec. Un gros merci à lui.
PAC Al-air de Phinergy; l’efficacité et la puissance laissent à désirer
Bonjour à tous
J’ai effectué plus de recherche sur la pile à combustible (PAC) aluminium-air de Phinergy afin d’évaluer l’efficacité du cycle de recyclage de l’aluminium, et la puissance de ce prolongateur d’autonomie particulier.
J’ai trouvé un article très bien fait intitulé «Design and analysis of aluminum/air battery system for electric vehicles», publié dans Journal of Power Sources (vol. 112, pp. 162-169, 2002) et dont les auteurs sont Shaohua Yang et Harold Knickle. Vous pouvez acheter cet article en ligne ici (ce que j’ai fait)
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378775302003701
L’efficacité du cycle de l’aluminium y est analysé en détail au niveau énergétique.
Les auteurs prennent comme hypothèse que la PAC Al-air est capable de fournir 72 % de l’énergie théorique du couple Al-air, ce qui est optimiste. De plus, ils supposent que les plaques d’aluminium vont être consommées à 80% avant d’être recyclées, avec l’hydroxyde d’aluminium produit dans la PAC lors de son fonctionnement. C’est donc dire que des plaques d’aluminium de 1 cm d’épaisseur seraient échangées lorsqu’elles atteindraient 2 mm d’épaisseur. Avec ces prémices ils démontrent que l’énergie électrique stockée par kilogramme d’aluminium est de 4,64 kwh/kg (en fait ils ont exprimés les résultats par mole d’aluminium que j’ai transformé en kg d’aluminium, sachant que une mole d’Al équivaut à 27 g).
Ensuite, ils évaluent l’énergie requise pour transformer les plaques restantes et l’hydroxyde d’aluminium en nouvelles plaques d’aluminium. Pour les plaques restantes (20% de l’aluminium initial) ils calculent l’énergie pour les fondre, alors que pour l’hydroxyde d’aluminium il faut d’abord le calciner pour obtenir de l’Alumine (oxyde d’aluminium; Al2O3) qu’on électrolyse par la suite pour obtenir l’aluminium. Le résultat est qu’il faut dépenser 14,8 kwh d’énergie par kg d’aluminium. On a donc une efficacité E de
E = 4,64 kwh / 14,8 kwh = 32 %
Mais il ne faut pas oublier que ce calcul ne tient pas compte de l’énergie dépensée pour aller récupérer les plaques usées et l’hydroxyde d’aluminium aux stations-service et y redistribuer les plaque neuves d’aluminium. Sans compter que la PAC al-air perd une partie de son énergie en chaleur lorsqu’elle fonctionne, à tel point que les représentants de Phinergy ont mentionné à la conférence de presse qu’on pouvait chauffer l’habitacle du véhicule avec cette chaleur. Pour une batterie Li-ion performante, la perte en chaleur de batterie proprement dite est inférieure à 1 %. On peut donc s’attendre à une perte en chaleur de l’ordre de 5 % et possiblement plus pour la PAC Al-air proprement dite. Dans une figure de l’article de Yang et Knickle, ils évaluent à 20 % la perte entre la batterie et le moteur électrique du véhicule (incluant les pertes dans l’électronique de puissance).
efficacite-pac-air-aluminium
En prenant en compte une efficacité de 80% pour le moteur électrique d’un véhicule et sa transmission, ils arrivent à une efficacité totale de l’utilisation de l’énergie de 20 %, ce qui est comparable à l’efficacité d’un moteur thermique à essence.
Mais, en ce qui nous concerne, pour comparer avec l’efficacité d’une voiture électrique à batterie Li-ion comme la Leaf, nous prendrons l’efficacité de 32 % à laquelle nous soustrairons 5% pour les pertes en chaleur de la PAC Al-air et la récupération, manutention et redistribution des plaques d’aluminium. On aurait donc une efficacité pour l’énergie électrique disponible à la sortie de la PAC Al-air par rapport à l’énergie qu’on doit fournir pour recycler l’aluminium de 27 %. C’est donc dire que les PAC Al-air consommeraient 3 fois plus d’électricité qu’une voiture à batterie comme la Leaf pour le même nombre de km parcourus (recharge sur le réseau efficace à plus de 80 %).
Vous comprendrez que la seule utilisation acceptable est comme prolongateur d’autonomie pour moins de 10% des km, ce qui implique d’avoir une batterie Li-ion capable d’une autonomie de 100 km qu’on recharge sur le réseau électrique quotidiennement.
Par ailleurs, la puissance spécifique des PAC Al-air est très faible. On parle de 200 W/kg, alors qu’elle est 10 fois plus élevée avec les batteries Li-ion performantes. Il est donc vraisemblable que la puissance de la PAC Al-air démontrée par Phinergy soit de L’ordre de 20 kw ou moins. La PAC Al-air à elle seule ne peut donc donner les performances à une voiture électrique auxquelles on est déjà habituées (puissance des batteries Li-ion de 100 kw). Il faudrait donc pouvoir utiliser la batterie Li-ion en parallèle avec la PAC Al-air et lorsque la batterie Li-ion est vide, il faudrait la recharger avant de pouvoir continuer. Remarquez que pour les trajets quotidiens inférieurs à 100 km (autonomie de la batterie Li-ion) la PAC A-air n’entrerait pas en fonction. On l’utiliserait seulement pour les longs trajets (10% du kilométrage annuel).
Bien sûr, les avantages de la PAC Al-air sont d’utiliser un matériau abondant (Aluminium) qu’on peut recycler avec de l’énergie électrique renouvelable (hydroélectrique, éolien, solaire ou géothermique). Pour comparaison, on peut prendre les PAC à hydrogène qui perpétuent la consommation des carburants fossiles, puisque l’hydrogène est fabriqué à plus de 95% à partir du charbon, du pétrole et principalement du gaz naturel. Sans compter que l’aluminium et l’eau sont bien plus faciles à stocker et à transporter qu’un gaz fortement comprimé et explosif.
Mais avouons que la technologie PAC Al-air n’est pas encore le Klondike, et comporte plusieurs limitations.

Bien cordialement

Pierre Langlois, Ph.D., physicien

Consultant en mobilité durable,
Auteur et conférencier

Téléphone : 418-875-0380
Courriel: pierrel@coopcscf.com
Site Internet: www.planglois.com

Le physicien Pierre Langlois faisant le plein électrique d'une Chevrolet Volt

 

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