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Les GES des voitures et leur batterie (24, 60 ou 90 kWh) construites et rechargées avec différentes centrales électriques en Amérique du Nord

Image : Gigafactory de Tesla.

Mon dernier article «L’empreinte écologique des batteries limite leur grosseur» a suscité beaucoup d’émois. L’idée de base était de faire réaliser aux gens qu’il y a des voitures électriques qui émettent plus de gaz à effet de serre (GES) que d’autres, comme c’est le cas pour les voitures à essence. Pour cela, j’ai utilisée une analyse faite au Royaume-Uni en 2013 qui tenait compte des centrales électriques dans ce pays (490 g CO2/kWh).

Je sais que les centrales électriques vont se décarboner au fil du temps et que la giga-usine de batteries de Tesla va utiliser des énergies renouvelables et commencer la production bientôt. Mais il ne faut pas oublier que beaucoup d’usines de batteries n’en sont pas encore là, en Corée, au Japon et en Chine. Alors, pour tenir compte des développements futurs, je vous présente aujourd’hui quatre scénarios avec de moins en moins de GES, mettant en cause des voitures (à essence et électriques) fabriquées et utilisées en Amérique du Nord.

J’ai évalué les GES dus à la recharge pour les émissions actuelles des centrales du Québec (20 g CO2/kWh), de la moyenne des centrales étatsuniennes (590 g CO2/kWh), des centrales de la Virginie (450 g CO2/kWh) et des centrales de la Californie (230 g CO2/kWh). Ces émissions tiennent compte de celles en amont des centrales pour extraire et conditionner les carburants (charbon, gaz naturel et uranium). Pour ce qui est de la fabrication et de l’assemblage des voitures et des batteries, j’ai soit considéré les émissions des centrales comme au Royaume-Uni (490 g CO2/kWh) ou j’ai pris des énergies renouvelables similaires à celles du Québec (20 g CO2/kWh).

Avant de commencer la description de ces scénarios et des résultats, voici les trois articles antérieurs sur ce blogue que je vais utiliser en les décrivant comme l’article 1, l’article 2 et l’article 3:

ARTICLE 1 : «Les GES émis par les voitures électriques sur leur cycle de vie : Constat actuel, comparaisons et stratégies pour les diminuer»

ARTICLE 2 : «Les GES émis par les voitures électriques sur un cycle de vie de 200 000 km, avec une deuxième vie pour la batterie».

ARTICLE 3 : «L’empreinte écologique des batteries limite leur grosseur»

Comment j’ai extrapolé pour les énergies renouvelables

Dans le premier graphique de l’article 1,  qui présente les GES sur le cycle de vie de voitures, j’avais mis côte-à-côte les résultats de l’étude du Royaume-Uni et ceux d’une étude française, réalisées toutes les deux en 2013. Dans cette dernière on dénote une diminution des GES par rapport au Royaume-Uni de 72 % pour l’assemblage et de 34 % pour la fabrication de la batterie (24 kWh) et des composants de la voiture. Ces diminutions sont attribuables essentiellement au fait que les centrales électriques françaises émettent 77 % moins de GES (110 g CO2/kWh) que celles du Royaume-Uni (490 g CO2/kWh).

Maintenant, au Québec les centrales, qui émettent 20 g CO2/kWh, ont des émissions 96% moindres que celles du Royaume-Uni. J’ai donc fait une règle de trois (extrapolation linéaire) pour déterminer que cette diminution de 96% des GES des centrales au Québec entrainait une diminution de 42 % des GES pour la fabrication de la batterie et des composants des voitures, de même qu’une diminution de 90 % pour l’assemblage.

Transposition en Amérique du Nord

En voulant faire la transposition des études européennes pour l’Amérique du Nord, j’ai réalisé qu’il y avait une disparité qui défavorise les véhicules électriques en Europe pour les analyses des GES sur le cycle de vie. Je m’explique.

Le cycle de test européen (NEDC) est très complaisant pour la consommation d’essence par rapport au cycle de test de l’EPA aux Etats-Unis, qui lui est beaucoup plus près de la vraie vie. Selon les tests EPA, la consommation d’essence est accrue d’environ 35 % par rapport aux test NEDC, ce qui est bien connu. Mais ce qui l’est moins, c’est que la consommation électrique, elle, n’augmente que de 25 % typiquement suivant le cycle de l’EPA vs le cycle NEDC. Ça veut donc dire que la consommation d’essence est relativement plus faible en Europe que la consommation d’électricité, pour une même distance parcourue. Sans compter que la portion des GES due à l’essence sur le cycle de vie est plus grande que la portion d’électricité pour la recharge sur le cycle de vie des voitures électriques, ce qui fait grimper davantage les GES totaux des voitures à essence en Amérique du Nord.

Par ailleurs, j’ai considéré pour l’Amérique du Nord que les voitures vont rouler typiquement 200 000 km sur leur cycle de vie (16 660 km/an pendant 12 ans) au lieu du 150 000 km dans les études européennes. Cette augmentation du kilométrage, caractéristique des habitudes nord-américaines, favorise les véhicules électriques au niveau des GES.

La méthodologie pour transposer les résultats des études européennes à l’Amérique du Nord est bien décrite dans le document pdf téléchargeable dans l’article 1.

GES dus à la recharge

J’ai raffiné le modèle de l’article 3, en incluant une consommation électrique différente pour tenir compte du poids différent des voitures ayant une batterie de 24 kWh, 60 kWh et 90 kWh. Les consommations respectives que j’ai considérées sont 18,5 kWh/100 km, 20 kWh/100 km et 22 kWh/100 km respectivement. Pour la recharge, j’utilise les facteurs d’émission des centrales indiquées en vert sur les graphiques qui vont suivre, juste au dessus des barres verticales pour les GES.

Dans chacun des quatre scénarios, je compare la recharge au Québec (20 g CO2/kWh) avec une des trois options de recharge aux Etats-Unis : moyenne des centrales aux États-Unis (590 g CO2/kWh), centrales de la Virginie (450 g CO2/kWh) ou centrales de la Californie (230 g CO2/kWh). On peut également voir ces trois options de recharge étatsuniennes comme la valeur moyenne des émissions des centrales des Etats-Unis maintenant (590 g CO2/kWh), en 2028 (450 g CO2/kWh) et en 2040 (230 g CO2/kWh) environ.

Notons que la recharge au Québec, représentée dans les 4 scénarios, peut également correspondre en gros à quelqu’un qui s’achèterait des panneaux solaires pour recharger sa voiture électrique.

SCÉNARIO 1: Les GES sur 200 000 km pour des voitures et des batteries fabriquées et assemblées avec un réseau électrique à 490 g CO2/kWh. Recharge sur la moyenne des centrales des Etats-Unis (590 g CO2/kWh) et au Québec (20 g CO2/kWh).

Le scénario 1 nous montre le portrait tel qu’il est aujourd’hui, alors qu’une voiture électrique munie d’une batterie de 90 kWh (500 km d’autonomie) émet en gros autant de GES qu’une Ford Focus à essence (7,8 L/100 km) sur 200 000 km.

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SCÉNARIO 2 : Les GES sur 200 000 km de voitures assemblées avec de l’énergie renouvelable et dont la batterie est fabriquée avec de l’énergie renouvelable (pas les matériaux). Les composants de la voiture sont fabriqués avec un réseau électrique à 490 g CO2/kWh. Recharge sur la moyenne des centrales des Etats-Unis (590 g CO2/kWh) et au Québec (20 g CO2/kWh).

Le scénario 2 représente ce qui devrait arriver vers 2020, avec les usines de batteries et les usines d’assemblage des véhicules alimentées à l’énergie renouvelable. L’extraction des matières premières et la fabrication des composants pour les véhicules se font avec des carburants fossiles et un réseau à 490 g CO2/kWh.

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SCÉNARIO 3 : Les GES sur 200 000 km de voitures fabriquées ainsi que leur batterie et assemblées avec de l’énergie renouvelable. Recharge en Virginie (450 g CO2/kWh) et au Québec (20 g CO2/kWh).

Le scénario 3 utilise de l’énergie renouvelable partout pour la fabrication et l’assemblage des véhicules et des batteries. L’exemple de recharge en Virginie (450 g CO2/kWh) représente également les émissions qui devraient prévaloir pour la moyenne des centrales étatsuniennes dans une douzaine d’années (2028), si la pénétration des énergies renouvelables se fait à un bon rythme.

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SCÉNARIO 4 : Les GES sur 200 000 km de voitures fabriquées ainsi que leur batterie et assemblées avec de l’énergie renouvelable. La batterie a une deuxième vie qui lui enlève 40% des GES liés à sa fabrication. Recharge en Californie (230 g CO2/kWh) et au Québec (20 g CO2/kWh).

Le scénario 4 utilise de l’énergie renouvelable partout et inclus une deuxième vie pour les batteries dans le stockage d’énergie au sol, ce qui pourrait retrancher aux voitures électriques 40% des GES liés à la fabrication des batteries. L’exemple de recharge en Californie avec le facteur d’émission des centrales de cet État aujourd’hui (230 g CO2/kWh, incluant les émissions en amont) pourrait représenter là où en sera rendu la moyenne des centrales étatsuniennes en 2040.

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Conclusion

Faisons remarquer tout d’abord que le fait d’évaluer les GES sur un cycle de vie de 200 000 km au lieu de 150 000 km, comme dans l’article 3, favorise davantage les voitures électriques. Ensuite, en prenant le cycle de test de l’EPA, on a des consommations pour les véhicules à essence qui sont plus grandes et plus réalistes, ce qui favorise également les voitures électriques. Si l’on compare avec mon dernier article «L’empreinte écologique des batteries limite leur grosseur», on constate que la situation est nettement plus avantageuse pour la voiture électrique par rapport à la voiture à essence dans notre scénario 1, qui reflète la situation actuelle aux Etats-Unis en moyenne et au Québec.

Par ailleurs, si quelqu’un s’achète des panneaux solaires pour recharger sa voiture électrique, il va se retrouver avec les émissions de GES sensiblement égales à celles du Québec, sur les graphiques des 4 scénarios.

Le scénario 3 représente la situation ou l’énergie renouvelable est utilisée partout pour la fabrication et l’assemblage des véhicules ainsi que des batteries. La recharge se fait en Virginie avec les centrales qu’on y trouve présentement (450 g CO2/kWh), ce qui devrait représenter sensiblement les émissions moyennes des centrales aux Etats-Unis dans une douzaine d’année (2028). Une voiture électrique avec une batterie de 60 kWh (320 km d’autonomie) émettra alors, sur son cycle de vie, l’équivalent d’une Toyota Prius hybride non rechargeable.

La disparité entre les batteries de grosseurs différentes s’atténue beaucoup avec l’énergie renouvelable et la deuxième vie des batteries. Il faut bien reconnaître le caractère visionnaire de Tesla qui va opérer une usine de batterie alimentée en énergie renouvelable à 100%, et qui fait tout pour donner éventuellement une deuxième vie à leurs batteries. En effet, Tesla Energy commercialise des batteries pour les maisons et entreprises, afin de stocker l’énergie solaire. Sans compter que depuis que Tesla Motors et Solar City ont fusionnés récemment, Tesla va également offrir des panneaux solaires pour la recharge de leurs véhicules électriques. Ils ont mis le paquet pour diminuer les critiques sur les grosses batteries qu’ils utilisent.

Mais, d’ici 2030 environ (scénario 3), les voitures électriques avec une batterie de 90 kWh (500 km d’autonomie) vont émettre sur leur cycle de vie considérablement plus de GES que les voitures munies d’une batterie de 24 kWh (130 km d’autonomie). Et l’avantage des voitures électriques sur les voitures à essence s’estompe d’autant plus que la batterie est grosse et que le kilométrage sur le cycle de vie diminue.

Nous sommes bénis des dieux au Québec, comme le montrent les graphiques de GES, mais gardons un juste milieu pour la grosseur des batteries. Et, n’oublions pas que les véhicules hybrides rechargeables avec une autonomie électrique de 100 km (batterie de 20 kWh) émettent bien moins de GES sur leur cycle de vie que les véhicules électriques avec une autonomie de 500 km (batterie de 90 kWh), si la grande majorité des déplacements sont inférieurs à 70 km/jour environ (pour tenir compte de l’hiver), ce qui représente un grand nombre de conducteurs qui vont rouler électrique plus de 90% du temps.


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