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La loi n°184 – une loi imparfaite

La loi 184 est une loi adoptée à la fin de la session parlementaire du précédent gouvernement et a pour objet de favoriser l’établissement d’un service public de recharge rapide pour véhicules électriques. Cette nouvelle loi autorise Hydro-Québec à financer l’installation de bornes de recharge rapide à partir des revenus générés par l’augmentation des ventes d’électricité engendrées par la recharge, effectuée principalement au domicile des électromobilistes.
Pour faire suite à une de ma récente chronique intitulée “L’équilibre de l’écosystème des véhicules électriques“, où j’ai démontré que le ratio de Véhicules Entièrement Électriques (VEÉ) par borne de recharge rapide du Circuit électrique au Québec a dégringolé ces 18 derniers mois – d’un ratio de 105 VEÉ /BRCC à la fin de 2017 à un valeur de plus de 148 VEÉ /BRCC en juillet dernier (2019), je désire mettre en lumière certaines affirmations qui ont été présentées en commission parlementaire sur l’insuffisance du financement pour le déploiement rapides de BRCC.
La commission des l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles a tenu le 5 juin 2018 des consultations particulières auprès d’un nombre limité de groupes. Parmi les groupes entendus, notons la présence de Hydro-Québec, Roulez électrique et l’Association des véhicules électriques du Québec.
Dans le mémoire de Roulez Électrique, produit et présenté par Pierre Langlois, Ph.D et Daniel Breton, nous pouvons lire ce qui suit :

Au Québec, présentement, le ratio VÉ / BRCC, incluant les superchargeurs Tesla, se situe autour de 105. Comme on le sait, le territoire est encore loin d’être couvert convenablement et déjà les électromobilistes font déjà la file à plusieurs bornes rapides. Si l’Objectif de 100 000 VÉ est atteint en 2020, cela correspond à 2 000 BRCC avec un ratio de 50. 
Ceci étant dit, nous aimerions souligner deux points faibles de la loi 184.

a)
Le nombre de bornes déployés est insuffisant
La loi 184 prévoit déployer 1 600 BRCC d’ici 2028, ce qui porterait le nombre au Québec à environ 1900 BRCC, si on ajoute les 220 actuelles (Tesla et Flo inclus) et les futurs superchargeurs Tesla.
Or, selon le graphique présenté plus haut, l’objectif du gouvernement est de 300 000 (tout électrique et hybride rechargeable, VZE et VFE) en 2026. Et en 2028, on devrait être à plus de 400 000. En maintenant un ratio de 50 VÉ / BRCC, 1 900 BRCC correspond à 95 000 VÉ. Il faudrait donc multiplier le nombre de BRCC par un facteur 4 pour arriver à 400 000 VÉ, soit un déploiement de 6 400 BRCC d’ici 2028.
 
b) Un déploiement plus rapide au début que la loi VZE
Selon la loi 184, le déploiement des BRCC du Circuit électrique d’Hydro-Québec serait assujetti aux revenus de vente d’électricité en provenance des recharges des VÉ.
Or, comme nous l’avons vu plus haut, les ventes stagnent au Québec (délais de livraison inacceptables) dû aux constructeurs qui ne fournissent pas à la demande, n’étant pas assujettis à une loi VZE suffisamment contraignante. Les constructeurs font bien plus de profits en vendant des VUS et camions légers, et sont donc en conflit d’intérêt.
 
Si on assujettit le déploiement des BRCC aux recharges, donc aux ventes de VÉ, le déploiement se fera lentement au début et plus rapidement vers la fin. Mais, c’est le contraire qu’il faut viser, i.e. un déploiement rapide au début pour couvrir le territoire et enlever les files d’attente, en doublant ou quadruplant les BRCC à certains endroits. On pourra ralentir de déploiement graduellement dans cinq ans, pour en arriver à un ratio de 50 VÉ / BRCC ou un peu plus, à réévaluer.
 
Par conséquent, nous recommandons pour les 5 premières années, d’utiliser le Fonds vert pour combler le manque à gagner des ventes d’électricité pour la recharge, afin d’atteindre un ratio de 50 VÉ / BRCC car en attachant le financement des nouvelles BRCC aux revenus obtenus par la recharge des VÉ qui demeurent trop peu disponibles chez les concessionnaires à cause d’une loi VZÉ trop laxiste, le réseau restera irrémédiablement en retard sur les besoins de BRCC à travers le Québec.

Dans le mémoire de l’AVÉQ, produit et présenté par son président, nous pouvons lire ce qui suit :

Le ratio de 1 pour 100 n’est cependant pas adapté à la réalité des électromobilistes québécois pour plusieurs raisons. Si on se compare avec la Norvège:
 
1. La température extérieure est plus froide en hiver;
2. Les distances sont plus grandes entre les différents centres urbains (l’étalement est plus important);
3. Comme il y a plus d’autoroutes, la vitesse moyenne des déplacements est plus grande.
Ce sont tous des facteurs qui consomment plus d’énergie, et donc nécessitent plus de recharges. Ainsi nous observons régulièrement depuis deux ans des files d’attente aux BRCC lors de pointes d’utilisation très spécifiques (heures et jours), et ce dans les emplacements desservant des corridors électriques importants.
(…)
Nous supportons les recommandations du CCÉI présidé par Mme Monique Leroux visant l’installation de 2,000 BRCC. Celles-ci doivent être déployées en superstations de 4 à 20 bornes par site, tout en s’assurant de leur évolutivité pour les standards de recharge de nouvelle génération. Il faut pour cela que le Circuit Électrique change sa mentalité, passant d’une installation de BRCC à court terme répondant à un besoin immédiat, à une vision à long terme, en prévision des VÉ sur nos routes. C’est ce que la compagnie Tesla a toujours fait: bâtir en prévision, et non en réaction.
(…)
L’Association des Véhicules Électriques du Québec est favorable au principe de fonctionnement du projet de loi n°184 dans le sens où un financement pour le déploiement de bornes rapides est garanti et lié à la taille du parc de véhicules électriques en circulation. Il permettra un déploiement progressif de bornes rapides et contribuera à l’essor de l’électrification des transports au Québec. Cependant, ce projet de loi ne permettra pas de rattraper le retard accumulé dans la dernière année ainsi que les prochains mois de 2018 si le PL-184 est adopté. Il serait important pour le Circuit Électrique, et donc Hydro-Québec, de trouver un financement supplémentaire (voir Annexe 1) afin de rattraper le temps perdu, ce dernier n’étant pas comptabilisé dans leur plan actuel.
(…)
Le financement proposé n’est pas parfait, et il ne correspond pas à un budget suffisant pour soutenir notre demande initiale. Cependant, avec les élections qui auront lieu cet automne, ne pas voter en faveur de ce projet de loi sera préjudiciable à l’avenir des véhicules électriques au Québec. Nous préférons donc un mode de financement imparfait, qui peut être bonifié dans le temps à travers différentes sources (Annexe 1) mais qui pourra être mis en action dès maintenant, plutôt que de ralentir le processus pour trouver une solution qui aura causé entre temps des dommages irréversibles dans le marché florissant des véhicules électriques.
(…)
Annexe 1 – Autres types de financement possible:
• Financement additionnel du Fonds Vert pour augmenter rapidement le nombre de BRCC pour atteindre le seuil de 2% jusqu’à la fin 2020, quitte à ce que les revenus futurs résultants de leur usage servent à rembourser, en totalité ou en partie, le Fonds Vert.
• Financement additionnel du fonds en infrastructures de recharge du gouvernement fédéral (demandes déjà en cours par le Circuit Électrique)
• L’installation des BRCC en utilisation hybride (public/privé) par les entreprises et municipalités, via le projet-pilote « Circuit Électrique DUO ». Le partage des BRCC entre public et privée selon les horaires nécessaires (L’usage le plus important des BRCC publiques est effectué le vendredi soir et le dimanche soir alors que les BRCC privées sont plus sollicitées en semaines sur l’heure du midi.) Par exemple : Les municipalités installent des BRCC pour leur flotte de véhicule en semaine, et les rendent accessibles en fin de semaine au public ce qui accéléra le développement général.

Même si tous les groupes consultés ont recommandé le projet de loi n°184, tous ont affirmé qu’à lui seul, il est insuffisant pour répondre à la demande et encore plus insuffisant pour bâtir une infrastructure de recharge en mode prévision, plutôt qu’en mode réaction, comme c’est le cas actuellement.
 
Est-ce que les principaux acteurs du milieu des électromobilistes ont accepté par dépit le projet de loi n°184 malgré son financement imparfait et jeté l’éponge par la suite ?
 
Le 16 mai 2018, le président de l’AVÉQ a publié un éditorial sur le site de l’AVÉQ. Cet éditorial a été cité et déposé comme document officiel de la commission parlementaire par le ministre Pierre Moreau. Ce document est de nature publique et disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Dans cet éditorial (retiré du site de l’AVÉQ par la suite, à la demande du conseil d’administration), on peut y lire ce qui suit :

En début d’année, l’AVÉQ vous a demandé de signer une pétition pour 2,000 BRCC d’ici 2020. Ces chiffres nous laissait une marge de manœuvre pour les négociations. il était impensable qu’on puisse installer autant de bornes aussi rapidement, mais il fallait tout de même presser les autorités à agir. L’objectif réel était de “près de 2,000 BRCC” d’ici 2025 – et le projet de loi actuel offre 1600 bornes rapides “d’ici 10 ans” pour un total de 1750 BRCC avec celles déjà existantes. Ce dernier échéancier est très important. Nulle part est-il indiqué “2028”; l’objectif est sur 10 ans, mais suivra le nombre de VÉ sur les routes, Nos discussions avec le gouvernement et Hydro-Québec sur ce point sont claires: Si les ventes VE augmentent massivement, on peut s’attendre à ce que ce nombre de 1600 BRCC soit dépassé, et qu’elles soient installées plus rapidement.


Vraiment ? Depuis mai dernier, nous pouvons sans équivoque affirmer que les ventes de véhicules ont augmenté massivement. Est-ce que les déploiements de BRCC suivent ce rythme ? Il semble bien que non car le ratio VEÉ /BRCC dégringole (105 -> 148). Rappelons ici qu’un ratio de 50 VEÉ / BRCC est un objectif plus raisonnable en tenant compte des particularités du Québec.
S’il y a augmentation massive de ventes de véhicules électriques, ce n’est pas l’année suivante ou 2 ans après que le besoin de recharge rapide doit être comblé, c’est le plus rapidement possible.
Malgré quelques annonces récentes de déploiements de superstations, le Circuit électrique devra accélérer pour livrer les quelques 100 bornes rapides promises pour 2019,  avec uniquement 4 mois restants à 2019… à moins que les prochains déploiements soient majoritairement des superstations à 4 BRCC ou plus. Même s’il y arrive, l’impact réel sur le ratio de VEÉ / BRCC sera négligeable.
Après une campagne de sensibilisation massive pour la pétition pour 2000 BRCC en 2020, qui a récolté plus de 10 000 signatures, est-ce que l’AVÉQ se contente toujours de 1600 bornes rapides sur un objectif de 10 ans ? Cette association aurait-t-elle laissé tomber les quelques 10 000 signataires en se contentant des dispositions insuffisantes prévues par le loi n°184 ? Ou en refilant le fardeau d’aller chercher du financement supplémentaire à Hydro-Québec ?
Pendant ce temps, les revenus de la bourse du carbone Québec-Californie cumule plus de $ 3,3 MILLIARDS, en totalité versés au Fonds vert.
Pourquoi pas demander un investissement pour quelques années en utilisant le Fonds vert pour combler le manque à gagner des ventes d’électricité pour la recharge, afin d’atteindre un ratio de 50 VÉ / BRCC ?

L’impact sur les batteries
Avec un réseau de bornes rapides étendu et redondant, il n’est pas requis d’avoir un véhicule électrique muni d’une énorme batterie pour voyager au Québec.
Il semble que plusieurs électromobilistes choisissent des grosses batteries pour réduire au maximum leur dépendance au réseau de recharge rapide, encore clairsemé et fragile, exception faite des 2 corridors entre Québec et Montréal. Ça ne devrait pas être l’inverse ? Avoir un réseau solide et abondant pouvant répondre aux pointes d’utilisation pour éviter le gaspillage de ressources pour fabriquer des grosses batteries!
Références :
 
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