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Décret 829-2013 : Genèse et impacts

Je vous présente ce texte rédigé par Thierry St-Cyr, qui est actuellement un fier propriétaire d’une voiture électrique.
L’auteur était directeur de cabinet de la ministre des Ressources naturelles au moment de l’adoption du décret 829-2013. Il explique ici la genèse et les impacts du décret.
L’article relatant mon expérience avec la Ville de Trois-Rivières au sujet de mon projet d’une borne rapide sur rue dans cette même localité a fait couler beaucoup d’encre.
REF: Borne rapide sur rue à Trois-Rivières: projet BLOQUÉ par le décret 839-2013
Je félicite Thierry d’avoir pris le temps de nous relater son point de vue de l’intérieur! C’est TRÈS instructif! Il ne faut pas oublier que le but principal du blogue Roulez Électrique est d’informer, de partager, de commenter, d’argumenter et de se concerter au sujet de l’électrification des transports au Québec.
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« Avec le gouvernement, c’est toujours plus compliqué ». Cette maxime populaire n’est pas complètement fausse. C’est que le droit gouvernemental ne suit pas la même logique que pour les citoyens. Dans notre état de droit, un individu peut faire tout ce qui lui plait sauf ce qui est interdit par la loi. Le gouvernement, lui, ne peut rien faire, sauf ce qui est permis par la loi.
La différence est de taille.
Pour l’avoir vécu à plusieurs reprises, je peux vous assurer qu’il est plus facile de déterminer ce qu’une loi interdit que ce qu’elle permet. Au printemps 2013, alors que de plus en plus de municipalités se dotaient de bornes de recharge publiques, la question juridique quant à ces bornes s’est posée avec plus de force. Les municipalités ont-elles le droit d’offrir des services de recharges publiques? La seule bonne réponse semblait alors être « on ne le sait pas vraiment »! Vous vous doutez bien que, à l’époque où les lois municipales ont été adoptées, le législateur n’avait pas envisagé une telle hypothèse…
Sur cette question donc, les avis divergent. Certaines interprétations strictes penchent en défaveur des municipalités : ce n’est pas écrit en toute lettre dans la loi, donc ce n’est pas possible. D’autres sont favorables à une interprétation plus moderne : le service de recharge serait assimilable à un service aux citoyens au même titre qu’une bibliothèque, une piscine, un lampadaire ou un banc de parc. Quoique, même dans ce cas, il ne faudrait pas que le service devienne « commercial », ce qui est strictement interdit par la loi. Euh… ça veut dire quoi concrètement? Bien malin qui pourrait donner une réponse claire et précise. Une borne gratuite à l’hôtel de ville? Probablement acceptable. 4 bornes payantes à la caserne de pompier? 12 bornes sur rue? Ish… Allez savoir!
Bref, au moment où le Québec tentait de déployer ses bornes à grande vitesse, ce flou n’était plus acceptable. Le gouvernement devait trouver une solution. Et vite.
 
Une question de risques
La solution la plus simple aurait été de changer les lois municipales. En théorie du moins. Par sa nature même, le processus législatif est complexe, fastidieux et… lent! Très lent. Et dans un parlement minoritaire, l’issu d’une telle modification législative demeure incertaine, voire précaire. C’est que, même dans l’hypothèse où les 4 partis politiques devaient être d’accord sur le fond, chacune des précieuses heures où l’Assemblée nationale siège est l’objet d’intenses tractations aux résultats imprévisibles.
Bref, le risque était trop grand. Il fallait une solution plus rapide et plus décisive. Le gouvernement a donc choisie de confier aux municipalités intéressées la responsabilité d’offrir un service de recharge public. Le décret 829-2013 est né. Avec ce décret, les municipalités – créatures de l’état québécois – peuvent conclure un accord avec le gouvernement pour déployer en son nom son réseau de recharge public, c’est-à-dire celui du Circuit électrique. Oui mais… tant qu’à y être, diront certains, pourquoi ne pas élargir la portée du décret afin d’y inclure tous les fournisseurs de bornes?
C’est que, bien souvent, le « mieux » est l’ennemi du « bien »…
Premièrement, pour déléguer quelque chose, il faut avoir quelque chose à déléguer. Or l’État ne déploie pas son réseau de bornes de recharge à travers n’importe lequel fournisseurs. L’État déploie son réseau via Hydro-Québec et le Circuit électrique. Étendre cette délégation à autre chose que ce qui est déjà du domaine de l’État aurait été très risqué.
Imaginons le scénario où le gouvernement aurait ainsi étiré l’élastique et inclus tous les fournisseurs dans le décret. Un de nos opposants riche et puissant – une pétrolière par exemple – aurait pu décider de contester un tel décret. Il aurait alors été possible que ses innombrables avocats convainquent un juge que le gouvernement tente de faire indirectement ce qu’il ne peut pas faire directement. Voyez l’image : des centaines de bornes deviendraient alors illégales simultanément. Aïe.
La deuxième bonne raison de s’en tenir au Circuit électrique est que cela permet aux municipalités d’escamoter le lourd processus normal d’attribution de contrat car Hydro-Québec a déjà mené un appel d’offre. Or, par sa nature même, un appel d’offre ne peut reconnaître qu’un seul gagnant. Les municipalités qui tiennent absolument à une solution en dehors du Circuit électrique doivent donc agir d’elles-mêmes, avec leur propre processus d’attribution et sans le décret.
 
Les conséquences
Grâce à ce décret, les municipalités disposent d’un outil simple, rapide et juridiquement solide pour déployer des bornes de recharge. Il y a par contre une contrepartie à cette grande simplicité : manifestement, certains fonctionnaires en viennent à confondre « possibilité » avec « obligation ». L’exemple rapporté par Sylvain Juteau dans l’article « Borne rapide sur rue à Trois-Rivières : projet BLOQUÉ par le décret 839-2013 » est éloquent à cet égard.
Tout d’abord, il convient de rappeler que rien n’empêche une municipalité de procéder « à l’ancienne » via leur propre processus d’attribution. Une pétrolière voulant contester cette approche devrait alors poursuivre individuellement chacune des villes en cause et il est loin d’être certains qu’elle disposerait de l’assise juridique nécessaire pour avoir gain de cause. En tout cas, ce serait plus complexe et risqué que de simplement contester un décret qui aurait été maladroitement rédigé.
Ensuite, le projet en cause n’a strictement rien à voir avec l’installation de bornes de recharge par la municipalité. En effet, le projet de Roulez Électrique consiste à l’installation – à ses frais – d’une borne sur un terrain municipal. Il s’agit d’une bête question d’utilisation de la voie publique (comme celle d’un contracteur en excavation désirant déposer du sable sur la chaussée) et pour laquelle les municipalités sont libres d’agir à leur guise. Non seulement le décret, de façon générale, n’empêche rien mais, dans ce cas, il n’a tout simplement aucun rapport dans le dossier.
Alors, aujourd’hui, qu’en est-il? Les municipalités ont-elles le droit, par elle-même, d’offrir d’elle-même un service de recharge publique? La réponse est encore « on ne le sait pas vraiment ». Par contre, avec le décret 839-2013, elles disposent d’un outil supplémentaire qui a l’avantage d’être simple, rapide et sans risque pour déployer par centaines – que dis-je, par milliers! – des bornes de recharge à travers le Québec.

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